Une université-conseil pour l’excellence du service public en français – un véritable instrument collectif de développement pour le Québec
Les moyens nécessaires pour l’enseignement et la recherche universitaire, et pour la mission de perfectionnement et d’appui aux administrations publiques
16 juin 2023
Sommaire exécutif
En réponse à l’appel à propositions de la ministre de l’Enseignement supérieur afin de réviser la Politique québécoise de financement des universités, l’École nationale d’administration publique (ENAP) présente, dans ce mémoire, quatre demandes :
- L‘ENAP réaffirme son appui à la demande collective de réinvestissement des établissements universitaires québécois formulée par le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) en prévision du dernier budget du Québec.
- L’ENAP est solidaire de ses partenaires du réseau de l’Université du Québec (UQ). L’ensemble du réseau souffre d’un sous-financement structurel qui affecte son potentiel à répondre aux enjeux prioritaires du Québec et qui entrave le déploiement de sa mission universitaire sur tout le territoire québécois. Afin de corriger ce sous-financement, l’UQ demande une correction historique par l’octroi d’une enveloppe budgétaire récurrente supplémentaire de 100 millions de dollars (M$) par année à son fonds de fonctionnement.
- De plus, l’ENAP demande deux séries d’ajustements mineurs aux Règles budgétaires et calcul des subventions de fonctionnement aux universités du Québec (2022-2023) pour refléter véritablement la mission nationale de l’ENAP, qui exige une présence forte dans les trois pôles principaux du service public au Québec tout en desservant l’ensemble du territoire, et pour lui donner les moyens d’accomplir sa mission de perfectionnement ainsi que d’appui aux administrations publiques :
- Financement des établissements de plus petite taille pour la réalisation de leur mission en région
En plus de Québec et de Montréal, l’ENAP est présente en Outaouais depuis plus de 50 ans. Elle dispose aussi de quatre centres d’études : Trois-Rivières, Joliette, Saguenay et Drummondville. L’ENAP a reçu un mandat national, qui couvre l’ensemble du territoire du Québec.
Pour mieux répondre aux besoins d’enseignement, de recherche, de perfectionnement et d’accompagnement en région, il est demandé d’intégrer l’ENAP à la Règle 1.1.2.1 (2) (« montant supplémentaire […] attribué à chacun des établissements universitaires de plus petite taille (moins de 15 000 EETP bruts) situés en région »), de même qu’à la Règle 1.2.3 (allocations pour la mission des établissements en région), ou aux Règles qui en seront les successeures.
Montants supplémentaires demandés : 1,592 M$ +1,7645 M$.
- Financement pour soutenir la mission particulière de l’ENAP
L’ENAP doit aussi avoir les moyens de réaliser sa mission énoncée dans ses lettres patentes; cette mission consiste à développer des formations innovantes pour les administratrices et les administrateurs publics, puis à offrir des conseils et des outils de gestion pour perfectionner l’administration publique.
Ainsi, en vertu de la Règle 1.2.1 (ou de celle qui lui succèdera), l’ENAP demande que lui soit attribué le soutien nécessaire à la réalisation de sa mission particulière – au-delà de l’enseignement et de la recherche universitaire – de « formation et [d]e perfectionnement d'administrateurs publics ».
Montant supplémentaire demandé : 3,56 M$ (2,263 M$ pour le perfectionnement et les services-conseils offerts au Québec, et 1,297 M$ pour ces activités ailleurs au sein de la francophonie).
- Financement des établissements de plus petite taille pour la réalisation de leur mission en région
Le montant total de la demande supplémentaire de l’ENAP – au-delà de sa part de la demande du BCI et de celle de 100 M$ de l’UQ – est donc de 6,9165 M$. Dans la mesure où les autres règles de financement demeurent les mêmes, ces sommes additionnelles sont nécessaires pour permettre à l’ENAP de jouer pleinement son rôle d’université-conseil pour l’excellence du service public en français, et de véritable instrument collectif de développement pour le Québec, comme souhaité au moment de sa fondation.
Retour en hautIntroduction
Le 12 mai 2023, la ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, madame Pascale Déry, a lancé un appel à mémoires auprès des groupes concernés par la révision de la Politique québécoise de financement des universités.
Cette révision vise à adapter et à moderniser les mécanismes de financement des universités, mais aussi à :
- améliorer la contribution des établissements universitaires aux enjeux de main-d'œuvre dans les secteurs stratégiques pour l’économie québécoise;
- contribuer à la vitalité du français au Québec, notamment dans le domaine de la recherche scientifique;
- renforcer, chez les établissements universitaires, la capacité de valorisation de la recherche et de l’innovation sur le plan économique.
L’ENAP soutient les priorités de la ministre, tout particulièrement la nécessité d’assurer un financement adéquat, équitable et stable pour soutenir la qualité de l’enseignement supérieur, notamment pour les études de deuxième et de troisième cycles, pour favoriser l’accessibilité et la réussite étudiante, de même que pour stimuler l’innovation et la collaboration entre les universités ainsi que les actrices et les acteurs socioéconomiques.
En plus de s’inscrire dans les demandes du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) et de celle de l’UQ pour des réinvestissements majeurs de rattrapage, l’ENAP souhaite son intégration aux Règles 1.1.2.1 (2) et 1.2.3 sur le financement aux établissements de plus petite taille pour la réalisation de leur mission en région, ainsi qu’à la Règle 1.2.1 pour soutenir sa mission particulière au service de l’administration publique.
Cet ajustement financier permettra à l’ENAP de soutenir pleinement sa mission et de contribuer aux priorités du gouvernement du Québec, notamment en soutenant la vitalité de la langue française, en contribuant à la formation d’une main-d'œuvre qualifiée dans les secteurs stratégiques de l’économie du Québec, ainsi qu’en augmentant la présence d’étudiantes et d’étudiants internationaux francophones et en facilitant leur intégration dans toutes les régions. L’ENAP pourra aussi continuer à déployer et à développer une offre intégrée d’activités d’enseignement, de recherche et de services-conseils afin de mettre à profit son expertise pour l’excellence du service public.
Retour en haut1. Rôle de l’École nationale d’administration publique
L'ENAP est une institution d’enseignement supérieur spécialisée dans la formation et dans la recherche en administration publique. Son rôle principal est de former les premières dirigeantes et les premiers dirigeants, les cadres, ainsi que les professionnelles et les professionnels qui travaillent dans les diverses administrations publiques du Québec et ailleurs dans la francophonie. Pour ce faire, elle met l'accent sur le développement des compétences en gestion, en politique publique et en leadership.
L’ENAP offre une variété de programmes de formation, qui vont des programmes de cycles supérieurs (maîtrise et doctorat) aux programmes de formation continue. Les domaines d’études couverts par l’ENAP sont nombreux et incluent notamment les politiques publiques, l’administration publique, la gestion des ressources humaines, la santé publique, l’économie publique, les relations internationales, le droit public, les communications publiques, la transformation numérique, le leadership et l’innovation.
L’ENAP offre aussi des services pour appuyer les administrations publiques québécoises dans leurs actions stratégiques et opérationnelles. Ceux-ci touchent, entre autres, la formation continue, l’accompagnement-conseil, la veille stratégique, l’analyse comparative, l’étalonnage, l’évaluation des compétences, les consultations citoyennes et les laboratoires d’innovation.
Chaque année, l’ENAP accompagne plus de :
- 3 000 étudiantes et étudiants dans ses programmes d’études; 4 000 hautes dirigeantes et hauts dirigeants, cadres et gestionnaires publics en formation continue;
- 100 organisations;
- 20 pays partenaires;
- 90 organismes grâce à des mandats de recherche.
2. Un réinvestissement majeur dans le réseau de l’Université du Québec
D’emblée, l’ENAP est solidaire des demandes récurrentes de financement du BCI, et de la demande de l’UQ visant un réinvestissement majeur de rattrapage. L’ensemble du réseau de l’UQ souffre d’un sous-financement structurel qui affecte son potentiel à répondre aux enjeux du Québec et qui entrave le déploiement de sa pleine mission universitaire sur tout le territoire québécois.
Pour y remédier, l’ENAP, comme ses partenaires du réseau de l’UQ, constate qu’une correction historique est nécessaire par l’octroi, par le gouvernement du Québec, d’une enveloppe budgétaire récurrente supplémentaire de 100 M$ par année au fonds de fonctionnement de l’UQ.
Cet investissement permettra de rétablir les capacités du réseau à attirer et à soutenir adéquatement une population étudiante diversifiée, ainsi qu’un corps professoral de haut niveau, deux piliers essentiels pour contribuer à un Québec innovant. Cela fait, le réseau de l’UQ pourra révéler son plein potentiel comme partenaire stratégique du gouvernement au service du Québec, notamment par la formation de main-d’œuvre qualifiée, par l’intégration d’étudiantes et d’étudiants internationaux dans nos communautés, et ce, avec un grand souci envers la promotion de la langue française et envers le développement économique du territoire québécois.
Cet investissement profiterait aussi à l’ensemble de la population québécoise, de même qu’au gouvernement du Québec. Chaque dollar investi par le gouvernement dans le réseau de l’UQ génèrerait 4,30 $ dans l’économie québécoise. Ultimement, un réinvestissement de 100 M$ supplémentaire récurrent aurait le potentiel de générer des retombées annuelles avoisinant les 430 M$ dans l’ensemble de la province.
L’ENAP souffre du même sous-financement historique que l’ensemble du réseau de l’UQ. Afin de réaliser pleinement sa mission, une correction de la part du gouvernement est nécessaire. Ce sous-financement doit être corrigé rapidement pour éviter de mettre à risque la réalisation de la mission que l’État québécois a confiée à l’ENAP.
Il importe, au moment de repenser la formule de financement des universités québécoises, de s’assurer qu’elles puissent toutes partir de la même ligne de départ. Les demandes formulées par le BCI visent donc à assurer le rattrapage nécessaire des universités québécoises par rapport aux autres universités canadiennes, et la demande de l’UQ vise à assurer le rattrapage des universités du réseau par rapport aux autres universités québécoises. L’ENAP est solidaire de ces demandes, tout en souhaitant souligner certains besoins particuliers criants qui mettent à risque la réalisation de ses missions.
Retour en haut3. Demandes spécifiques de l’École nationale d’administration publique
3.1 Volets panquébécois et de développement régional de l’École nationale d’administration publique
L’ENAP est une institution universitaire essentielle au développement du Québec, tant par son action sur l’ensemble du territoire québécois que par son appui essentiel à l’offre de services publics de qualité. Sa création, dans le contexte de la Révolution tranquille, visait à assurer à l’État québécois des administrations publiques modernes et performantes. Ce besoin demeure d’une actualité criante à l’heure où les transformations technologiques, sociales, économiques et démographiques s’accélèrent. Le Québec a besoin de pouvoir compter sur des administrations publiques des plus compétentes et qui font preuve d’innovation et de leadership face aux défis contemporains. Préparer nos administrations publiques à l’excellence sur l’ensemble du territoire québécois est essentiel.
Cette vocation panquébécoise nécessite une présence sur l’ensemble du territoire québécois, et une présence prépondérante dans les trois pôles principaux de la fonction publique québécoise que sont Québec, Montréal et Gatineau. Ce déploiement géographique n’est pas le fruit d’une quelconque « stratégie de délocalisation », mais reflète plutôt le mandat fondamental qui a été donné à l’ENAP dès ses origines, soit d’être l’École nationale d’administration publique au service de l’ensemble des administrations publiques du Québec.
Cette présence sur l’ensemble du territoire québécois, l’animation de trois campus (dont celui de Gatineau), des centres d’études de Trois-Rivières, de Joliette, de Saguenay et de Drummondville, ainsi que d’autres points de services ponctuels, entraînent inévitablement des coûts additionnels.
Pour remplir adéquatement sa mission régionale, l’ENAP demande son inscription aux Règles budgétaires 1.1.2.1 (2) et 1.2.3.
a. Règle 1.1.2.1 (2) : Soutien à l’enseignement et à la recherche, montant supplémentaire.
Le volet fixe de la subvention « Soutien à l’enseignement et à la recherche » (Règle budgétaire 1.1.2.1) accorde un montant fixe de 3,4 M$ à chaque établissement pour couvrir les coûts de base de son administration générale.
Un montant supplémentaire de 1,592 M$ est attribué, au paragraphe 2, aux établissements de plus petite taille (moins de 15 000 EETP bruts) situés en région.
Or :
- Avec 850 EETP bruts, la taille de l’ENAP justifie qu’elle ait accès à ce montant supplémentaire. Tant sur le plan de l’effectif que de sa subvention générale, l’ENAP est loin derrière la taille de la plupart des établissements qui bénéficient déjà de ce montant supplémentaire.
- L’ENAP doit entretenir, animer et sécuriser trois campus (Gatineau, Québec et Montréal), en plus de ses quatre lieux d’études (Trois-Rivières, Joliette, Saguenay et Drummondville). Ce montant supplémentaire est essentiel pour l’ENAP, qui peine à absorber à même ses équipes et ses budgets plus restreints les impératifs d’une complexité d’opération et d’une reddition de comptes qui ne cessent de croître. Il n’est pas possible pour l’ENAP de procéder à des économies d’échelle comme les autres établissements universitaires de plus grande taille afin de couvrir ces frais. Ces impératifs touchent notamment :
- la conformité à la Loi sur les contrats des organismes publics, qui exige des processus de plus en plus lourds et une reddition de comptes toujours plus détaillée, alors que les gains attendus de la mise en place du Centre d’acquisitions gouvernementales tardent à se faire sentir;
- la conformité à la nouvelle Loi modernisant les dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels;
- la conformité à la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles et à la nouvelle Directive gouvernementale sur la sécurité de l’information qui en découle, ainsi que l’adaptation au contexte qui émerge de la constitution récente du ministère de la Cybersécurité et du Numérique;
- la production de rapports financiers exclusifs au réseau de l’UQ (rapport ONB-FS), et ce, sur une base trimestrielle;
- la participation aux travaux des comités qui se penchent sur les changements à apporter aux déclarations de gestion des données sur l'effectif universitaire et de système d’information financière des universités afin d’en améliorer la qualité et la fiabilité;
- la révision périodique de la politique de financement des universités, qui nécessite la documentation et l’analyse de situations propres à chaque établissement afin de s’assurer qu’elles sont adéquatement prises en compte;
- la mise en œuvre et le suivi du Plan d’action sur la réussite en enseignement supérieur et du Plan d’action sur la santé mentale étudiante, qui se déclinent tous deux en multiples volets pour lesquels une coordination, ainsi que des actions et des suivis spécifiques sont à prévoir;
- le recrutement et la rétention des ressources humaines dans un contexte de rareté de main-d’œuvre et de mutation vers le travail hybride.
- Il est vrai que les établissements de plus petite taille reçoivent aussi d’autres montants pour les coûts additionnels liés aux facteurs d’éloignement, de couverture territoriale et de taille (Règle 1.2.2). Il est aussi vrai que l’ENAP bénéficie de ces sommes. Toutefois, elles ne couvrent essentiellement que les frais associés au déploiement de personnes enseignantes des campus de Québec ou de Montréal vers d’autres lieux d’enseignement, et elles visent à prendre en compte, dans une mesure fort limitée, de l’impossibilité de procéder à des économies d’échelle pour couvrir certains frais fixes en raison de la petite taille de l’établissement. Cette règle ne couvre aucunement les frais associés au déploiement nécessaire de l’ENAP sur divers campus et centres d’études.
Ce rehaussement permettrait surtout de reconnaître les surcoûts du déploiement des activités de l’ENAP sur des sites multiples en raison de son mandat national, qui nécessite la multiplication de certains services administratifs, ce qui n’est reconnu nulle part dans la formule de financement actuelle. En effet, le facteur « Couverture territoriale » de la subvention Soutien aux établissements de plus petite taille ne vise qu’à tenir compte des coûts additionnels découlant de l’offre de formations dans plusieurs lieux d’enseignement, mais pas de la nécessité d’y maintenir certains services qui en découlent, comme le soutien informatique, l’entretien des locaux, une bibliothèque ou des services aux étudiantes et aux étudiants.
Un montant supplémentaire de 1,592 M$ est attribué à chacun des établissements de plus petite taille situés en région. Il s’agit de l’Université Bishop’s, de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, de l’Université du Québec à Chicoutimi, de l’Université du Québec à Rimouski, de l’Université du Québec en Outaouais et de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Nous sommes d’avis que ce montant supplémentaire doit aussi être attribué à l’ENAP pour compenser notamment les coûts d’opération de ses trois campus permanents (Gatineau, Montréal et Québec), sans compter ses points de services sur l’ensemble du territoire québécois (Trois-Rivières, Joliette, Saguenay, Drummondville et autres points de services ponctuels).
Montant supplémentaire demandé : 1,592 M$
b. Règle 1.2.3 : Mission des établissements en région
Les établissements en région ont une mission particulière au regard de l’accessibilité aux études supérieures dans l’ensemble du territoire québécois. Elles doivent, de plus, jouer un rôle important dans leur communauté et assumer un fort leadership dans le développement socioéconomique des régions du Québec. Afin de soutenir ces établissements dans leur mandat de développement régional, une enveloppe leur est allouée afin de répondre aux priorités d’intervention, en cohérence avec les orientations gouvernementales visant le développement des régions et le rapprochement entre les universités ainsi que les entreprises et les organismes.
L’ENAP est présente sur l’ensemble du territoire québécois et, tout particulièrement, dans la région de l’Outaouais depuis plus de 50 ans, où elle y réalise sa double mission.
En octobre 2019, l’Assemblée nationale a reconnu, dans une motion, que l’Outaouais a « accumulé un retard important ces dernières années quant au financement public en santé, en éducation, en enseignement supérieur et en culture », et que ce retard « a eu son lot de conséquences sur le développement économique de la région et sur sa capacité à se doter d’institutions dans plusieurs champs de compétence du Québec ».
Dans une étude de l’Observatoire du développement de l’Outaouais1 , il est noté que l’« Outaouais, avec une proportion de 21,5 % de travailleurs dans [le] secteur [de l’administration publique] comparativement à 6,2 % au Québec, se hisse au premier rang parmi les régions québécoises » pour la concentration de travailleuses et de travailleurs dans ce secteur. L’autrice de l’étude décrit d’ailleurs l’administration publique comme le « pilier central de l’économie du territoire transfrontalier » entre le Québec et l’Ontario.
Or, ce même Observatoire décrivait récemment ce qu’il considère comme un « exode des étudiantes et des étudiants » de l’Outaouais vers l’Ontario2 . Il n’est évidemment pas souhaitable que les besoins spécifiquement couverts par l’ENAP le soient par les institutions ontariennes situées de l’autre côté de la rivière des Outaouais, soit l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, ou la Faculty of Public Affairs de la Carleton University. Seule l’ENAP peut, dans la région, contribuer à l’atteinte des objectifs de formation de pointe en administration publique entièrement en français.
Cette présence de l’ENAP en Outaouais fait d’elle une institution ancrée dans sa communauté, laquelle contribue significativement aux missions et aux objectifs particuliers de la région.
En effet, l’ENAP :
- contribue à former et à développer les compétences d’une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée pour la fonction publique et les pour organismes employeurs de la région;
- renforce l’attraction et la rétention d’étudiantes et d’étudiants;
- soutient la capacité des organismes employeurs à trouver sur place un bassin de main-d’œuvre qualifiée et diversifiée, notamment par le démarrage de nouveaux programmes universitaires tels que la maîtrise pour cadres en exercice.
De plus, par son service-conseil, l’ENAP soutient les organismes de la région par de l’accompagnement, du mentorat et de l’aide afin de relever les défis de main-d’œuvre et d’adaptation aux changements technologiques, notamment ceux de la transformation numérique.
L’ENAP demande que le ministère bonifie l’enveloppe allouée à la région de l’Outaouais à 3,5291 M$ afin de reconnaître et d’intégrer la contribution et le leadership de l’ENAP sur ce territoire.
Le montant demandé pour l’ENAP est de 1,7645 M$, soit une part égale du partage de l’enveloppe bonifiée tel que partagée entre l’Université de Sherbrooke et l’Université Bishop’s pour la région de l’Estrie.
Montant demandé : 1,7645 M$
3.2 Mission particulière de l’École nationale d’administration publique d’appui à la formation et au perfectionnement du service public
Le mandat de perfectionnement et de soutien aux administrations publiques de l’ENAP exige qu’elle offre une panoplie de services-conseils qui découlent de son savoir de pointe de l’administration publique. Il ne s’agit pas d’un simple complément de services qui vise à assurer la pertinence de l’université dans la société; il s’agit d’un des deux piliers de sa mission.
L’ENAP, c’est « l’Université-conseil pour l’excellence du service public ». En ce sens, ses équipes développent et offrent des activités de perfectionnement aux premières dirigeantes et aux premiers dirigeants, aux cadres, ainsi qu’aux professionnelles et aux professionnels des administrations publiques, notamment par l’entremise de coaching personnalisé. Elles travaillent au développement et à l’évaluation de compétences, et elles appuient les administrations dans leurs activités de dotation. Elles déploient aussi des services de recherche et d’analyse comparative, d’étalonnage de performance, de veille et d’accompagnement dans des processus d’innovation.
L’expertise de l’ENAP en matière d’évaluation des programmes et des politiques est aussi mise à contribution auprès des administrations afin d’accroître la performance de celles-ci et de les appuyer dans l’atteinte leurs objectifs.
Finalement, et de manière plus générale, l’ENAP propose des interventions d’accompagnement et de conseil scientifique, organisationnel et stratégique sur mesure. Cet ensemble de services-conseils mobilise au moins autant de personnes que ce qui est nécessaire pour offrir les formations créditées et pour réaliser les recherches universitaires.
L’ENAP est donc un partenaire de choix pour relever les grands défis d’une fonction publique moderne. C’est dans cette perspective qu’elle demande au ministère de l’Enseignement supérieur de reconnaître sa « mission particulière » à la Règle 1.2.3. Dans le cadre de la révision de la Politique québécoise de financement des universités, le Ministère avait aboli plusieurs missions particulières pour n’en conserver que trois. Depuis, sept autres missions particulières se sont ajoutées. Aucune ne vise l’ENAP.
L’ENAP demande que le Ministère lui accorde, en reconnaissance de sa mission particulière inscrite dans ses lettres patentes, un financement de 3,56 M$ – soit 2,263 M$ pour les services-conseils offerts au Québec, et 1,297 M$ pour les services-conseils offerts aux autres administrations publiques de la francophonie3
– pour compenser les coûts des activités de conseil s’inscrivant dans sa mission de formation et de perfectionnement des administrations publiques. Ce montant correspond aux coûts indirects (27 %) de l’offre de formation et de perfectionnement réalisée en 2022-2023 et vise à couvrir les frais fixes associés à la réalisation de cette mission.
Montant supplémentaire demandé : 3,56 M$
Total des sommes récurrentes demandées pour l’année 2023-2024 (et à être indexées subséquemment) : 6,9165 M$
Conclusion
L'appel de la ministre de l’Enseignement supérieur, madame Pascale Déry, à la révision de la Politique québécoise de financement des universités vise l'amélioration de la contribution des établissements universitaires aux enjeux de main-d'œuvre, la promotion de la vitalité du français dans la recherche scientifique, ainsi que le renforcement de la capacité des établissements universitaires à valoriser la recherche et l’innovation sur le plan économique.
L’ENAP soutient pleinement ces priorités et pense qu’un financement adéquat, équitable et stable pour assurer la qualité de l’enseignement supérieur, tout particulièrement au deuxième et au troisième cycles, permettrait de les atteindre, et de donner les moyens au ministère de l’Enseignement supérieur de concrétiser ses objectifs.
C’est pourquoi l’ENAP soutient pleinement la demande de réinvestissement majeur du BCI et de l’ensemble du réseau de l’UQ pour remédier à son sous-financement structurel. Un investissement supplémentaire de 100 M$ par an au fonds de fonctionnement de l’UQ permettrait de rétablir les capacités du réseau à attirer et à soutenir une population étudiante diversifiée, de même qu’un corps professoral de haut niveau, tout en générant des retombées économiques significatives pour le Québec.
Enfin, l’ENAP présente des demandes spécifiques, notamment son inscription aux règles budgétaires pour soutenir sa présence panquébécoise et son développement régional, ainsi que pour répondre à sa mission particulière. Ces demandes sont essentielles pour remplir adéquatement sa mission et pour répondre aux besoins des différentes régions du Québec. En tant qu’institution spécialisée dans la formation et dans la recherche en administration publique, l’ENAP joue un rôle essentiel dans le renforcement des compétences des gestionnaires, ainsi que des décideuses et des décideurs publics. Elle offre une variété de programmes de formation axés sur la pratique, elle encourage la recherche et la production de connaissances dans le domaine de l’administration publique, et elle fournit des services d’appui aux administrations publiques québécoises.
En somme, en répondant favorablement aux demandes du BCI, de l’UQ et de l'ENAP, le gouvernement du Québec pourrait assurer un financement adéquat et équitable pour l’ensemble du réseau universitaire, favorisant ainsi l’innovation, la recherche et le développement du Québec.
Le gouvernement du Québec peut compter sur l’ENAP pour collaborer avec lui et les autres établissements du BCI et du réseau de l’UQ dans les travaux de révision de la formule de financement des établissements universitaires qui s’annoncent.
- 1Doucet, Chantale (2021). « L’administration publique : un pilier central de l’économie du territoire transfrontalier » dans C. Doucet (dir.), Situation transfrontalière de l’Outaouais et de l’Est ontarien : impacts et opportunités, p.4, Observatoire du développement de l’Outaouais, https://odooutaouais.ca/projets-majeurs/situation-frontalieres-de-loutaouais
- 2Observatoire du développement de l’Outaouais, L’Outaouais en mode rattrapage suivi des progrès pour combler le retard historique de la région en santé, éducation et culture (avril 2022) p. 28. Rapport disponible à https://odooutaouais.ca/wp-content/uploads/2022/05/Rapport-ODO-rattrapage-de-lOutaouais_.pdf
- 3De sa clientèle internationale, l’ENAP accueille environ 200 personnes par année au Québec pour des activités de perfectionnement. De plus, une quinzaine d’employés travaillent à Québec, Montréal et Gatineau pour appuyer les ministères et organismes québécois dans leur action internationale et faire rayonner l’expertise québécoise auprès d’autorités publiques étrangères. Ce travail permet notamment de recruter des talents et de faciliter le développement de liens économiques et politiques avec ces gouvernements de la francophonie.